Ce
que j’ai vu et vois encore
chapitre 2
Par
Daher
Ahmed Farah
(Suite)
Sur ce terreau de la pauvreté, je ne vous apprends rien, les maladies ne peuvent que prospérer. De sorte que trop nombreux sont les Djiboutiens qui souffrent d’une ou plusieurs maladies chroniques, situation d’autant plus préoccupante que la politique gouvernementale de santé brille par ses carences et que l’accès au peu de soins disponibles est devenu malaisé.
Pauvreté, dis-je. Quelles en sont les
causes ? Sont-ce l’exode rural et l’immigration, comme l’affirme le chef de
l’État, Monsieur Ismaël Omar Guelleh, dans sa dernière interview à Jeune
Afrique (édition 2776 du 23 au 29 mars 2014), journal à lui ami ? Point sûr. La
principale et profonde cause de la pauvreté à Djibouti est, par-delà les
apparences, la mauvaise gouvernance. Laquelle ne place pas l’intérêt général et
partant l’humain au cœur de ses préoccupations. Ce qui préside à l’action
publique à Djibouti, ce n’est pas le service du peuple mais d’intérêts
particuliers. Il s’ensuit une allocation des ressources fortement déséquilibrée
et une redistribution des richesses extrêmement injuste. Notons le lien de
causalité : à extrême injustice dans la redistribution, extrême pauvreté
dans le pays. Celle-ci, comme précédemment rappelé, frappe 42,2% de la
population (Cf www.dj.undp), chiffre en-deçà du réel pour beaucoup d’acteurs de terrain.
Ainsi, la population rurale ne bénéficie
point de la politique de développement qu’elle mérite. Elle n’est pas aidée à
améliorer ses conditions d’existence. Point de réponse sérieuse aux sécheresses
récurrentes. Les eaux de pluies ne sont guère retenues. De nouvelles techniques
culturales sont rarement introduites auprès de nos agriculteurs. Agriculteurs?
Ils existent bel et bien dans ce pays, contrairement à la légende qui fait de
lui une terre lunaire. Non plus, la terre n’est point reboisée d’espèces
végétales à la fois utiles et résistantes, reboisement qui aurait un impact
microclimatique positif, atténuerait la chaleur et pourrait contribuer à
l’alimentation animale. Cette politique de reverdissement pourrait et devrait
s’articuler avec un effort vers l’élevage traditionnel extensif pour le
repenser, en accord avec les pasteurs nomades, et l’adapter aux évolutions
climatiques. C’est dire si les ruraux restent peu formés, peu orientés et peu
accompagnés. C’est dire si les activités génératrices de revenus ne sont pas
encouragées en milieu rural.
Résultat : les ruraux se réfugient en
ville. Ils viennent gonfler les centres urbains de pauvres supplémentaires.
Pauvres supplémentaires, car les villages et les villes sont déjà emplis de
démunis. Les pauvres urbains sont les chômeurs, les
intermittents de l'emploi (ils alternent périodes d’emploi et périodes de
chômage), les travailleurs mal
payés, les personnes âgées sans ressources ainsi que les enfants que
toutes ces catégories d’adultes ont en charge. Ce sont aussi les immigrés
clandestins à qui la porosité de nos frontières a permis de venir chercher de quoi
survivre sur le sol national. En termes de générations, le chômage urbain, que
l’exode rural et l’immigration ne créent pas mais aggravent, et dont la
massivité n’a rien à envier à celle du chômage rural, frappe une très forte
proportion de la jeunesse, la composante la plus nombreuse de la population des
villes comme de la population générale. Dès lors, chez nous, le chômage global,
qui inclut urbains, ruraux et immigrés, est l’un des plus massifs au monde, au
point que le chiffre de 59.5% avancé par les statistiques (Cf www.dj.undp) apparaît comme un pâle reflet de la réalité.
A suivre.
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