Djibouti : L'USN est mal partie !
En 1962, l’agronome René Dumont, sortait un livre intitulé :
« L’Afrique noire est mal partie » dont il exposa un diagnostic
alarmant sur les premiers pas des pays décolonisés au niveau de leur
gouvernance. Son analyse se justifia par la suite mais ses détracteurs, le plus
souvent, ceux qui profitaient à l'époque et profitent encore aujourd'hui de
l’Afrique, l’ont traité de « raciste » pour discréditer sa thèse.
Un an et demi après la
naissance du mouvement orange ou blanc (selon les périodes ou circonstances) de
l’USN, qui a amené au raz-marée électorale du 22 février 2013 lors des
élections législatives, ainsi que la contestation qui a suivi et qui se
poursuit jusqu’à présent, l’heure est au bilan et le moins que l’on puisse dire
est qu'il n’est pas flatteur pour les acteurs au premier plan et encore moins
pour l’avenir du peuple djiboutien dans son ensemble!.
Pourtant, l’USN était et
restera la plus grande aventure humaine qu’ait connue le peuple djiboutien
depuis l’indépendance du pays en 1977.
Comme en 1977, l’épopée
de l’USN a donné de l’espoir et de l’envie au peuple djiboutien afin de
retrouver enfin son pays confisqué depuis.
Face à la machine de
guerre médiatique (radio et chaine de propagande dictatoriale), ainsi que les
liasses des billets de banque que la dictature utilisait et utilise toujours
pour casser l’élan du peuple, une armée de bénévoles se retroussaient les
manches et rendaient l’échange plus que victorieux.
Après la confiscation de
sa victoire éclatante, l’USN a appris à résister face à la machine répressive
de la dictature. Même si, son
amateurisme et son manque de structure
étaient flagrants, sa capacité de riposte ou résistance était sans égale. Sur
plusieurs domaines, l’opposition a gagné haut la main sa confrontation avec la
dictature en place : réseaux sociaux, média, diplomatie et mobilisation
sur le terrain.
Or la machine USN a commencé à se gripper dès
les premières pioches de la structure USN et les premières décisions
aboutissent à la nomination du chargé des affaires étrangères. Cette décision a
douché les espoirs des partisans du vrai changement et à provoquer les
premières défections, mais l’espoir était encore permis pour un changement de
cap pour la suite en mettant ce petit écart de conduite sur le compte des
errements pour la mise en place de la nouvelle
structure. Vue que l’USN était là pour porter la volonté et la voix du
peuple et qu’elle a gagné dans les urnes grâce aux voix du peuple, comment
peut-on expliquer que ces derniers n’hésitent pas à NOMMER !
Malheureusement,
quelques mois plus tard, l’erreur a été institutionnalisée, confirmée et
accentuée à tel niveau que cette fois, cela a provoqué un tollé au sein de la
diaspora (Nul ne pourra oublier les conséquences néfastes qu'a connu la
diaspora des braves du Canada et de la France pour ne citer qu'eux). La réponse
apportée par le haut conseil de l’USN, l’organe de décision de l’USN, mais
également l’élément visible du pouvoir USN, fût un communiqué tonitruant dont
le contenu et la manière nous rappela tous, les menaces dont nous nous sommes
accommodés, voilà bientôt trente-sept
années de la part de la dictature que
nous pensions, enfin, s'être donné tous les moyens pour en dire STOP et en
finir.
Le choc et la déception
étaient à la hauteur de l’attente que les gens avaient placé dans cette organe
qui symbolise à elle seule le supposé
changement à venir !
Non seulement, la réponse a été à mille lieux
de celle attendue, mais çà en avait un arrière-gout de déjà vécu !
L’organe des décisions (haut conseil) de USN
dont la structure était compréhensible au début : regroupant les
présidents des partis : 7 partis pour 7 membres, devient de plus en plus
flou voir l’article 12 de la charte USN : « Le Haut conseil comprend les présidents des partis politiques
ou leur représentants et des personnalités désignées pour leur expertise et
leur engagement au service du projet de société de l’union ».
Le flou provient du « et » et ce qui suit, qui ne
veut rien dire à part introduire une part de flou dans la structure. Et,
lorsque c’est flou, ce qu’il y a un « loup » et justement le loup est
dans l’article 13. En effet, ce « haut conseil », s’octroie le rôle
de désigner le candidat à l’élection présidentielle, ainsi que les candidats
pour la députation, pour les élections régionales et communales. D'où un rôle
plus que prépondérant ou pour ne pas dire omniprésent et qui ressemble de plus
en plus à celui de l’UMP dont le dictateur désigne jusqu’aux chefs des
quartiers. Et, comme le peuple n’a aucun pouvoir dans ce processus de
désignation (nomination), les « nouveaux
désignés ou nominés si vous le
préférez» rendront des comptes à ceux qui les ont désigné et non au
peuple : déduction normale. Cela jette un froid sur l’avenir de la démocratie
à Djibouti dont l’espoir était porté par la dite coalition de l'opposition USN.
En lisant l’article 13,
on est très loin d’une organisation qui prône la démocratie à chacun de ses
déplacements dans les quartiers populaires.
Donc, pour un retour en
arrière et un reniement de ses valeurs, pourtant affichées clairement dans le
préambule de la charte, l’USN n’aurait pas fait pire !
L’article 19, enfonce le clou sur le
renoncement des principes démocratiques avec le rôle octroyé à la commission
des Elections qui est là pour assurer la « liaison avec le ministère
(la dictature) et les organes chargés des élections (ici aucune mention de la
CNI) ».
Son deuxième rôle est de
« veiller à la transparence et à la régularité du processus électoral »
dont elle n’aura aucun accès vue qu’il est géré par le ministère. En d’autres
termes, la revendication de l’usn d’un
processus électoral indépendant du régime est totalement abandonnée.
Ce qui est beaucoup plus
inquiétant, c'est l’absence d’un processus électoral interne qui aurait pu
sauver l’USN elle-même, vu qu’une cassure ou pire adviendra lors des « futurs
désignations » des candidats aux différentes élections. Ce processus interne aurait pu éviter à l’USN
de se déchirer à un moment crucial pour l’avenir du pays comme l’élection
présidentielle. Pour la première fois dans l’histoire de Djibouti, un
changement est à la portée des djiboutiens, mais pour qu’il se réalise, il
aurait fallu changer la donne en changeant définitivement la manière. Il aurait
fallu confier à cette commission électorale, un processus électorale interne
qui implique, la gestion des primaires au sein de l’opposition, qui aurait été
un outil formidable pour annoncer une vraie rupture et un changement radical
avec le système existant. Çà aurait également crée une bouffée d’air
démocratique qui aurait donné un élan sans égale et un avantage indéniable aux
futurs candidats.
Un autre point, c’est le
périmètre du haut conseil qui est en
même temps l’organe de contrôle (haut
conseil : groupe des sages) et le bureau exécutif de l’USN, d’où un
mélange du genre qui aura des conséquents insolubles pour l’avenir d’une structure démocratique.
L’usn est confronté aux
mêmes maux que l’UMP (alias RPP) ou les rôles d’exécutants et de contrôleurs
sont portés par les même personnes d’où une paralysie totale ou partielle.
Jusqu’à présent, ce
dysfonctionnement du haut conseil n’a touché que la diaspora vue que les
activités sur le terrain telle que la mobilisation et l’assistance aux
prisonniers échappaient au contrôle du
Haut conseil car elles sont menées par deux entités crées en même temps que le
haut conseil ou un peu avant, le MJO des jeunes, véritable moteur de la
mobilisation et l’union des femmes USN, très actif pour le soutien
logistique.
Le problème, c'est que cette structure mal
définie commence à toucher les autres entités sur le terrain à commencer par le
MJO et d’une certaine manière l’union des femmes USN. Tel un ouragan qui
emporte tout sur son passage, le haut conseil de l'USN décide de parfaire son
conformisme umpiste et à combattre sans vergogne toute autre structure qui ne
se serait pas soumise à son contrôle exclusif.
Du côté des leaders, les
discours n’ont pas changé d’un iota pour le changement démocratique, même si
leurs défilés ressemblent de plus en plus à ceux du RPP dans les années 80.
Toujours est-il que le verbe pour le changement et la volonté sont là, mais un
décalage de plus en plus perceptible s’installe entre les dires et les actions
concrètes entreprises. La promesse n'engage que celui qui le croit en
somme !
En positif et fort
heureusement, l’objectif de l’USN, de
faire chuter la dictature du régime Guelleh,
reste intact pour tout le monde du moins dans les discours, par contre,
une fracture idéologique entre les partisans d’un vrai changement démocratique
avec normes et valeurs et ceux, partisans « d’un changement dans le
système », donc la pure tradition de continuité, s’installe doucement, mais sûrement.
Pourtant au départ, c’était la liberté pour
tous et la pleine démocratie au bout pour le pays, mais au fil des mois et des
années car on est presque à la deuxième année, on sent que le souffle de la
liberté et de la démocratie ne passent plus auprès des certains.
Visiblement, plus l’usn
se structure et se renferme sur elle-même, plus on sent la mise à l’écart des
valeurs démocratiques ou les normes de celle-ci. INCONSCIENCE ?
SENILITÉ ? INEXPÉRIENCE ? ABUS
DE CONFIANCE POPULAIRE, PEUR DU NOUVEAU
Etc … Allez savoir !
Donc, la question qu’on a le droit de se poser est la
suivante : pourquoi ce retour en arrière alors que beaucoup des gens
rêvaient et rêvent encore d’un nouveau système de gouvernance et pourquoi une
telle différence entre les actes sur le terrain et les discours des
leaders?
La logique voudrait qu’on
crée ce que l’on connait ! Et, quel que soit le rêve ou la volonté de nos
leaders, la plupart d’entre eux ne connaissent, hélas, que le système en place
dont certains étaient les architectes avisés !
Alors, fallait-il
s’attendre à un nouveau système lorsque la plupart de nos leaders
« démocrates » ont des connaissances limitées en matière de
démocratie élective ?
La diaspora aurait pu
être ce laboratoire de démocratie qu’ils pourraient projeter sur la future
Djibouti, mais il faut reconnaitre que c’est un échec dû en grande partie
à leur intervention ou plus exactement à la reproduction, au copier-coller made
IOG. Même s’il faut reconnaitre à leur décharge que les
« vieux sages» sont victimes d’une manipulation de leurs supposés
soutiens de l’extérieur comme ceux de l’intérieur.
Le plus ridicule est que
des gens de la diaspora qui se sont levés contre une dictature féroce en mettant en péril leur vies et
celles de leur proche tremblent devant un communiqué d’un supposé haut
conseil qui commence à être coupé de la réalité sur le terrain au même
titre que le régime en place!
Donc, la question
est : où sont passés tous les gens qui ont crié : liberté, démocratie
à Djibouti aux quatre coins du monde pour dire stop à ce bateau qui est en
train de dévier clairement de sa trajectoire initiale !
Certains se
satisfaisant des quelques titres qu’on
leur a jeté par-dessus bord, comme un morceau de viande jeté au chien
errant ! La même méthode que la
dictature en place.
Comment peut-on accepter un titre lorsqu’on se bat pour une
démocratie élective ?
Pour l’instant, on peut
conclure que l’USN est mal partie et peut-être avec elle peut être, l’espoir du
moins dans l'immédiat de réel changement exprimé par le peuple djiboutien. Mais, l’espoir est permis que ce paquebot
fasse demi-tour, même si ceux qui tiennent la barre deviennent de plus en plus sourds
à l’image de ceux de la dictature.
Mais, l’espoir fait
vivre... peut-être, peut-être !
En attendant la lutte
continue !